Depuis quelques années, on assiste à des installations tous azimuts d’industries de fabrication de farine de poisson dans le pays. Une situation qui ne laisse pas indifférents les acteurs de la pêche artisanale regroupés au sein de l’APRAPAM (Association pour la Promotion et la Responsabilisation des Acteurs de la Pêche Maritime). Lors de leur 7ème forum annuel organisé à Mbour ce mercredi, ces acteurs de la pêche artisanale se sont offusqués de la vitesse et de l’organisation à laquelle ces usines sont implantées au Sénégal. Ils demandent plus de transparence dans la gouvernance de ce secteur.
Plus d’une centaine d’acteurs de la pêche artisanale du Sénégal, de la Mauritanie, de la Gambie et de la Guinnée Bissau se sont retrouvés ce mercredi à Mbour pour réfléchir sur les problèmes causés par les installations industrielles spécialisées dans la production de farine de poisson dans leurs pays respectifs. Ce forum a été organisé en partenariat avec le CONIPAS (Conseil National Interprofessionnel de la Pêche Artisanale du Sénégal), la CAOPA (Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de Pêche Artisanale) et le Réseau des Journalistes Ouest Africain de Pêche Artisanale. Selon Gaoussou Gueye, « aujourd’hui en raison d’une demande accrue sur les principaux marchés internationaux, offrant des prix très rémunérateurs, les usines de farine de poisson se multiplient, notamment en Afrique de l’Ouest ». Dans cette lancée, il précise qu’au Sénégal il existe maintenant une dizaine d’usines agréées, et qu’en Mauritanie, leur nombre passe de 6 à 23 depuis 2010, puis à 29 en 2015. Deux usines viennent aussi d’être construites en Gambie », indique le Président de l’APRAPAM.
Cette prolifération, ajoutée au nombre plus important d’ « usines actives non enregistrées », d’après M. Guèye, augmente les quantités de poisson transformés en farine de façon exponentielle. Il rappelle dans la foulée, que cette farine de poisson utilisée pour l’alimentation des animaux aussi bien terrestres que marins, « entre pour environ 68% dans la fabrication de l’aliment aquacole », explique le Président de l’APRAPAM. « La production mondiale va à 46% à l’aquaculture, 24% à l’alimentation des porcs, 22% aux ruminants, animaux domestiques (volaille) et produits pharmaceutiques » informe M. Guèye.
L’accélération de la surexploitation des ressources halieutiques ciblées que la sardinelle par la demande croissante des nombreuses usines de farine qui possèdent ou sous traite avec des navires les approvisionnements causent essentiellement trois problèmes principaux. « L’accentuation de l’insécurité alimentaire dans les régions côtières et l’intérieur de nos pays ; une bonne partie de la pêche qui était destinée à la consommation humaine est détournée pour contribuer à l’alimentation d’animaux d’élevage surtout dans les pays occidentaux et asiatiques » se désole M. Guèye. De plus, cela porte des répercussions sur l’emploi qui, selon Gaoussou Guèye, se traduisent par des sorties de professionnels du secteur tels que les mareyeurs et les transformatrices drainant derrière eux une multitude de travailleurs et leurs familles. Pour lui, une usine de production de farine, souvent à capitaux étrangers fournit peu d’emplois et contribue très peu au développement du pays.
Enfin, « les nuisances environnementales et le danger pour la santé publique par les rejets nocifs de l’air et dans le milieu ambiant » martèle M. Guèye. Il ajoute, « ces rejets peuvent être gênantes voire toxiques et être à l’origine de nombreuses pathologies telles que les allergies, l’asthme, les affections respiratoires, etc… ».
« Il n’y a aucune transparence par rapport à l’implantation de ces usines » fustige le Président de l’APRAPAM. Il considère que si les journalistes et les populations avaient accès au le nombre d’usines installées au Sénégal, à la manière dont elles travaillent, au lieu où elles exportent, et à ce qu’elles exportent, on n’aurait pas de problème. « Mais je dis qu’aujourd’hui, ce que nos autorités nous disent en termes d’exportation de farine, et ce qui se passe dans l’international, c’est diamétralement opposé », conclut Gaoussou Guèye.
IDY NIANG