Dans le département de Mbour, presque chaque commune a son marché hebdomadaire bien connu et fréquenté par toutes les classes sociales. Source de vie pour plusieurs familles, celui de Mbafaye, dans la commune de Fissel Mbadane, attire beaucoup de monde. Mais ce gros carrefour commercial, qui se présente comme étant le poumon économique de la zone, souffre de son manque d’organisation.
La commune de Fissel Mbadane constitue un haut lieu de rendez-vous commercial du fait de son marché hebdomadaire très rayonnant. À cheval entre les villages de Khaoul Godaguène et de Khaoul Tock Ngol, le marché de Mbafaye qui se tient tous les jeudis et qui s’étire sur plusieurs centaines de mètres, met beaucoup de vie dans cette zone dépourvue presque de tout.
Si à son origine il y a un demi-siècle, il accueillait seulement quelques commerçants, ce sont maintenant des centaines d’étals que l’on dénombre chaque jeudi. Le nombre de commerçants, leur diversité, leur participation régulière et la très forte fréquentation en font l’un des plus importants marchés du département de Mbour à côté de ceux de Nguéniène et de Sandiara.
Chaque jour de marché, les villages de Khaoul Godaguène et de de Khaoul Tock Ngol sont en ébullition et l’animation est à son comble. Une très grande activité y règne dès l’aurore. Les commerçants, arrivés la veille, installent leurs marchandises sous des étals maladroitement installés et attendent les clients.
Manque d’organisation
Ouvert à tous les types de commerces, ce lieu d’échange entre les populations des différents villages de Fissel et d’autres contrées fait la part belle aux produits locaux, agricoles, artisanaux, phytosanitaires, vêtements, friperies, vaisselles, ustensiles, accessoires et au bétail.
Facteur d’échange et de convivialité, le marché de Mbafaye représente, selon beaucoup d’usagers, un espace social très important. Pour les populations de Fissel, il est aussi indispensable que l’air qu’elles respirent, grâce à l’ambiance qui y règne, mais aussi pour les bonnes affaires qu’elles y réalisent. Toute l’année, on trouve du tout sur le marché devenu un rendez-vous incontournable pour des clients issus des catégories sociales modestes, qui viennent d’horizons divers et parfois des localités lointaines pour s’approvisionner en produits alimentaires et autres fournitures diverses.
Mbafaye reste un marché très attractif. Chaque jeudi de la semaine, commerçants, agriculteurs et éleveurs s’y retrouvent pour faire écouler leurs produits et conclure de bonnes affaires. Qu’il pleuve ou qu’il vente, ses habitués ne ratent jamais le rendez-vous qu’ils attendent impatiemment pour faire leurs emplettes hebdomadaires.
Ce marché constitue un atout indéniable pour cette commune, mais comme les autres « loumas » du département, Mbafaye qui date de 1961 est très mal organisé et sombre dans l’anarchie la plus totale. Avec son ampleur, il est devenu exigu et n’arrive plus à contenir le nombre important de marchands et de personnes qui viennent de toutes les localités avoisinantes pour faire fortune. Tous les jeudis, l’intérieur et les alentours sont débordés de monde et de marchandise. Selon Ndiogou Faye, chef de village de Khaoul Godaguène, ces débordements notés ces dernières années résultent d’un manque d’organisation. « Avec l’ancienne équipe, il y avait une commission dans laquelle figurait le chef de village. On travaillait en synergie et organisait les gens tous les jeudis. Aujourd’hui, il y a une anarchie complète. Les commerçants ne sont mus que par le souci de vendre, le reste ne les intéresse pas », se désole-t-il. Même son de cloche du côté d’Ousmane Sarr, chef de village de Khaoul Tock Ngol. Il a déploré la mauvaise gestion des autorités municipales à qui il incombe de veiller sur le bon fonctionnement de cet espace. « Ce sont les autorités municipales qui doivent intervenir efficacement afin d’organiser ce secteur vital pour des milliers de familles modestes qui y vivotent », indique-t-il. Selon eux, ce marché n’a jamais connu d’extension depuis qu’il a été ouvert, il y a maintenant un demi-siècle. Ndiogou Faye reconnaît que sa réhabilitation sera très complexe, mais il estime que la commune doit en faire une priorité. Par ailleurs, note le chef de village de Khaoul Godaguène, « l’ancienne équipe municipale avait reçu un financement de 70 millions dont 60 millions étaient destinés à la réhabilitation du marché. Un entrepreneur avait même gagné le projet et devait démarrer les travaux, mais avec la nouvelle équipe la donne a complètement changé. On nous a dit que l’argent n’était pas destiné au marché, mais plutôt à la commune ». Mais, selon le maire Cheikh Tidiane Bâ, ce financement du Pndl était destiné aux besoins sociaux de base de la localité. « L’équipe qui était là avait choisi de réhabiliter le marché de Mbafaye. C’était un choix pertinent, mais on a jugé qu’il y avait mieux. Nous avons donc mis l’argent dans l’électricité, l’adduction d’eau, la santé, une partie dans le marché », précise le maire.
Compte tenu de l’apport du marché sur la population locale, les deux chefs de village soutiennent que la commune gagnerait à améliorer les conditions de réalisation de l’activité commerciale afin d’améliorer le cadre de vie, la création d’emplois et l’accroissement de ses ressources.
Insalubrité omniprésente
En plus du manque d’organisation, l’insalubrité gagne du terrain au marché de Mbafaye. Elle s’aggrave avec l’installation de l’hivernage qui transforme les lieux en une grande poubelle. Ainsi, le marché de Mbafaye se retrouve dans un état piteux et devient infréquentable. Au lieu d’être le lieu d’approvisionnement en aliments sains, il se mue en un lieu où cohabitent aliments, immondices et microbes. Car certains vendeurs ne se gênent pas à étaler leurs marchandises à proximité des tas de détritus et de la boue. Cette situation ne semble déranger personne, car étant tous habitués à vendre dans cet environnement insalubre, crie-t-on sur tous les toits.
Ce problème de l’insalubrité trouve son explication dans le comportement de certains marchands qui laissent s’amonceler toutes sortes de déchets devant leurs étals. Mais ces derniers rejettent la responsabilité sur la municipalité qui, selon leurs dires, prélève des taxes qui devraient être destinées à assurer l’assainissement du marché.
Selon Mad Sène de Khaoul Tock Ngol, la mairie doit faire plus d’efforts dans le sens de trouver des solutions idoines aux problèmes d’assainissement de ce marché où le sempiternel problème d’insalubrité est plus qu’inquiétant. Car, a-t-il estimé, l’insalubrité qui y prévaut en période d’hivernage nuit considérablement à la santé des populations qui le fréquentent. « Ce marché devrait servir de modèle en matière de propreté, mais après chaque marché, on remarque des dépôts d’ordures du fait des commerçants qui laissent leurs déchets sur place. Il y a aussi les déchets plastiques qui pullulent au tour des champs et qui impactent sur l’agriculture et tuent le bétail », déplore-t-il.
« La mairie doit vraiment prendre des mesures dans ce domaine-là. Il revient à la municipalité de mener des opérations d’envergure pour débarrasser le marché de ces odeurs nauséabondes dues à cette grande insalubrité », plaide-t-il.
L’autre préoccupation majeure concerne le manque de sécurité dans l’enceinte et aux alentours du marché. Ousmane Sarr, chef de village de Khaou Tock Ngol, a salué l’appui conséquent des gendarmes de la brigade de Thiadiaye. « Nous avons dans le marché un bureau pour résoudre certains problèmes liés aux conflits, aux vols, mais on n’a pas les prérogatives pour maintenir l’ordre », relève-t-il.
Des retombées toujours attendues
En dépit de sa grande renommée, le marché de Mbafaye ne profite pas aux villages de Khaoul Godaguène et de Khaoul Tock Ngol qui l’abritent. Ces localités ne disposent d’aucune infrastructure adéquate ni d’équipements nécessaires. Selon Ousmane Sarr, chef de village de Khaoul Tock Ngol, les populations ne voient aucune retombée. Leur village manque de route, d’électricité, d’eau, d’infrastructures sanitaire et d’assainissement, etc. Même son de cloche du côté de Ndiogou Faye, chef de village de Khaoul Godaguène. « L’année dernière, nous avions organisé une marche de protestation pour réclamer tout cela. Nous sommes allés jusqu’à Fissel pour remettre notre cahier de doléances au sous-préfet, malheureusement les résultats n’ont pas suivi », rappelle-t-il. « Le marché est le poumon économique de la commune, mais nous ne profitons pas des retombées. La mairie fait chaque jeudi la collecte, mais ne laisse rien pour le village », regrette-t-il. Mad Sène du même village est du même avis. Selon lui, aucun changement notoire n’a été noté dans leur localité depuis que le marché existe. « On a que des pistes latéritiques et les femmes enceintes doivent faire des kilomètres en charrette pour aller se faire accoucher ; ce qui comporte parfois des risques. On a besoin de routes bitumées, d’un poste de santé bien équipé ». L’éducation est aussi le parent pauvre dans la zone. Selon M. Sène, Khaoul Tock Ngol compte beaucoup d’élèves qui parcourent des dizaines de kilomètres pour aller étudier. « Cette situation est harassante pour les élèves qui n’ont parfois pas de tuteur à Fissel. Cette situation favorise le plus souvent l’abandon », note-t-il. À son avis, la construction d’un Cem contribuerait à désengorger le lycée de Fissel. « Mbafaye est l’un des marchés les plus importants du Sénégal. Il porte le budget de la commune de Fissel, mais il n’a aucun impact sur les populations des villages environnants. Il faut que les autorités municipales rectifient le tir, car si le marché de Mbafaye n’existait pas, la commune allait beaucoup souffrir », relève-t-il. Malgré cette situation, les populations de cette partie de la commune continuent de garder espoir.
Malgré son aura, le marché de Mbafaye est loin d’être une vache à lait pour la commune de Fissel Mbadane. Si l’on en croit le premier magistrat de la ville, il n’influe pas positivement sur le budget de la commune. « Le marché de Mbafaye ne nous rapporte pas grand-chose, car la collecte pose problème. Les collecteurs sont de la localité et doivent négocier pour contraindre les commerçants à s’acquitter de leurs taxes. Certains sont conscients et passent à la caisse sans discuter, contrairement à d’autres qui ne paient pas du tout. Des fois, on est obligé de négocier et souvent ce n’est pas facile », explique Cheikh Tidiane Bâ. Même avec la location des cantines, fait-il savoir, les recettes ne sont pas fameuses. « Les locataires ne paient pas régulièrement et on n’a pas de forces de sécurité qui puissent nous appuyer pour que la collecte puisse se dérouler normalement », soutient-il.
Promouvoir un système de fiscalité durable
La solution, selon le premier magistrat de Fissel, c’est de promouvoir un système de fiscalité, de recouvrement fiable et durable en faisant appel à des experts, des privés pour se charger de cette question. Par ailleurs, le maire estime que le problème d’organisation est spécifique à tous les marchés hebdomadaires du pays. « La réorganisation du marché nous préoccupe. Notre souhait est de le rendre beaucoup plus attractif, mais cela ne sera pas facile. En attendant, la mairie fait ce qu’elle peut. Chaque jeudi, on se mobilise pour que les activités du marché se déroulent dans d’excellentes conditions. Même si Mbafaye ne dispose pas encore d’électricité, on a installé des robinets et cette année on a prévu de construire seize cantines et quatre box de latrine », indique-t-il.
Pour la sécurité, le maire a salué l’appui conséquent de la brigade de gendarmerie de Thiadiaye et a assuré que cette question sera prise en charge très prochainement. Il a annoncé la construction d’une sous brigade de gendarmerie à Fissel, à côté de la sous-préfecture. « Avec ce projet, les populations vont pousser un grand ouf de soulagement et dormir tranquillement », assure-t-il en annonçant la construction d’une gare routière à Mbafaye pour éviter les débordements de véhicules les jours de marché.
SOURCE : Le Soleil/ Samba Oumar FALL