Le développement est le défi du pays et celui de toutes les collectivités territoriales qui sont dépositaires des neuf compétences transférées par l’acte 3 de la décentralisation, dont la gestion du foncier. A ce titre, chaque collectivité locale élabore son plan de développement. L’assiette foncière constitue l’épine dorsale de la totalité de ces projets de développement tournant entre installations d’unités industrielles, construction d’infrastructures, aménagement de routes et assainissement, entre autres. Cela semble être la pomme de discorde entre les gouvernants et les gouvernés qui sont tous interpelés par la question.
Le Sénégal dispose de 3,8 millions d’hectares de terres cultivables , une quantité de ressources en eau de surface et souterraine, une population jeune, la disponibilité du soleil, le marché en potentiel croissance et l’orientation libérale des différents régimes politiques qui se sont succédés au pouvoir depuis l’an 2000 et qui ont mis l’accent sur la promotion de l’investissement privé dans le secteur agricole à travers différents plans, programmes et politiques. Cette situation rend le Sénégal attractif en matière d’investissements liés au foncier. La terre est devenue un enjeu de taille aussi bien pour les populations que pour les collectivités locales qui compte sur leur assiette foncière pour développer leur politique. Dès lors, la gestion de la terre et de ses ressources est devenue une problématique de notre époque. Dans plusieurs localités du pays, les populations et leurs collectivités locales se crêpent le chignon depuis plusieurs années déjà. Ces luttes sont enclenchées par des groupes plus ou moins organisés dans certaines communes du Sénégal. Des collectifs se mettent en place dans dans les localités concernées, sous l’impulsion des jeunes ou de eux ou celles qui sont installés à l’étranger ou dans la capitale, ou encore des mouvements citoyens bien structurés pour défendre le patrimoine foncier. Ces combats sont quelques fois soldés par des victoires de la population sur les gouvernants, parfois le contraire se produit. La récente condamnation du Maire de Mbour pour un projet de construction de cantines dans l’ancien jardin public de la ville en est une illustration retentissante. Fallou Sylla qui a été trainé au tribunal par un mouvement de jeunes a été condamné à 2 ans de prison dont 3 mois ferme avec une amende de 2.000.000f CFA. Un peu plus tôt, en avril 2019, le Sénégal a assisté à une série de décisions de la cour suprême. L’instance à dans cette lancée rétablit les droits des populations qui avaient saisi la justice dans le cadre de leur lutte. Ainsi, le 11 avril, la cour suprême a annulé le contrat de bail de 40 ans entre le gouvernement et AfriPartners Sénégal, portant sur 10.000 hectares de terres agricoles attribués en mars 2017. Le 14 avril, l’instance juridique casse la délibération du conseil municipal de Dya, portant 845 hectares qui avaient été attribués le 09 novembre 2017 à la Société Salins du Sine Saloum. Ensuite, le 19 avril dernier, sur la lignée des jugements de Dodel et de Kaolack, la Cour Suprême donne raison aux populations et casse la délibération du conseil municipal de Sandiara, portant sur 49 hectares affectés pour servir de servir de zone industrielle le 11 octobre 2014.
SANDIARA –
Spoliation foncière ou projet de développement ?
Toute la vérité sur le projet de la zone HLM
Depuis son arrivée à la tête de la commune de Sandiara, le Maire Serigne Gueye Diop a mkis en branle son plan 1-10-10 adossé au Plan Sandiara Emergent. Certains projets commencent à sortir de terre mais d’autres tardent à se réaliser 5ans après. C’est celui notamment de la zone HLM prévue sur 30 hectares qu’occupaient Caritas alors. Si certains conseillers municipaux parlent de spoliation foncière, le Maire fait savoir qu’ils ont une position purement politique.
La zone HLM prévue dans le cadre du programme du Maire n’a toujours pas commencé ses constructions. Pour cause, une plainte déposée à la cour suprême par les éléments du Collectif pour la Défense des Intérêts de Sandiara. « En 2014, lorsque le nouveau Maire Serigne Gueye Diop est arrivé au pouvoir, il a dit qu’il voulait installer sur les terres des HLM, alors il les a désaffectées pour les octroyer aux hlm et pour d’autres projets qu’il avait également. Il n’a pas informé les gens quand il le faisait. Il a juste utilisé sa majorité au conseil municipal pour désaffecter les terres à l’insu des cultivateurs », a indiqué Nahla Tine, Membre du collectif qui précise que c’est un litige qui porte sur 50 hectares. Ainsi, le Conseiller municipal fait savoir, « Nous avons ainsi commencé à combattre le Maire en le vilipendant à travers un point de presse pour que tout le pays soit au courant de ce qui se passait à Sandiara et qui n’était pas dans l’ordre normal des choses. On a commencé à revoir les procédures qui permettent d’affecter ou de désaffecter des terres. Nous avons ainsi attaqué la procédure au niveau de la cour suprême avec notre avocat et un huissier qui a constaté la forfaiture du maire et nous avons eu gain de cause », a martelé M. Tine.
Dans cette lancée, il confie que devant cette victoire, le maire n’a pas baissé les bras. « Il a poursuivi les vieux qui avaient donné les terres du temps de Caritas pour faux et usage de faux » renseigne-t-il. Avant de déplorer : « Ce sont nos aïeuls qui géraient le conseil rural comme le vieux HamatNdiaye, qui ont l’âge de 90 ans. La gendarmerie est allée faire ses enquêtes auprès de ces vieux, ce qui n’est beau. Parce si ces vieux n’étaient pas compétents ils n’allaient pas construire l’école où ce maire-là a eu son diplôme ». Pour Nahla Tine, Serigne Gueye Diopperturbe le sommeil des cultivateurs de Sandiara qui sont obligés de vendre leurs terres avant que le Maire ne les retire de leur propriété. « C’est comme ça que le Maire a créé une psychose dans la tête des cultivateurs de Sandiara. Ces derniers sont en train de brader leurs terres le long de la route nationale numéro 1 pour ne pas attendre que le Maire le prenne de leur main. Maintenant, ceux qui vendent leurs terres sont en train de causer un tort à leurs familles respectives dans la mesure où la population grandit alors que la terre ne s’agrandit jamais », fait-il savoir.
Il y a aussi d’autres projets pour lesquels le Collectif a combattu le Maire. « Il y a une firme américaine appelé Zalar installée ici et à laquelle le maire a octroyé 200 hectares. Pour cela, la firme a signé un protocole d’accord avec les paysans : chaque année, il remet 18,5 millions aux paysans, et 18,5 à la Mairie », informe Nahla. Il ajoute : « Alors, à notre grande surprise, nous avons découvert que le Maire en complicité avec la firme, avait introduit un dossier aux impôts et domaines pour un bail. Cela aussi, nous l’avons combattu et ils ont dû reculer ».
Dans ce cadre, Tine explique, « la superficie totale de la commune de Sandiara est de 19.850 hectares. Notre maire a dit qu’il a besoin de 10.000 hectares pour ses projets. Cela nous fait peur surtout qu’à chaque réunion du conseil municipal, il y a une délibération sur le foncier. Donc, notre maire est un mangeur de terre ». Pour lui, « Construire des hlm n’est pas un projet d’utilité public à l’instar d’une école, d’hôpital ou d’une maternité. On ne peut donc pas retirer des terres la population pour les donner à une entreprise commerciale »... Et Pape Faye d’emboucher la même trompette. Pour ce deuxième conseiller municipal, «Tout cela est un problème d’injustice. Il est inadmissible que la cour suprême nous donne gains de cause contre le maire et ne puisse pas exploiter nos terres jusqu’à présent. C’est de l’injustice : tant qu’il n’a pas été produit un autre document qui infirme la décision de la cour suprême, c’est nous qui avons le droit d’exploiter ces terres. Mais tel n’est pas le cas », a-t-il déploré.
Il montre dans ce sens, que cette affaire n’a pas été facile gérer. « Moi qui vous parle, j’ai été agressé nuitamment par le cousin du maire à cause de mes positions dans le conseil municipal. Aujourd’hui, c’est maraichers qui sont concernés par ce problème ont fait la prison à cause de cette histoire. Pour dire que cela n’a pas été facile », a remarqué Pape Faye.
Pour sa part, le camp du Maire parle d’une affaire purement politique. Ndiol Gaye Sène, estime quant à lui que ce sont des affabulations et il est regrettable que ces sieurs tiennent ce même discours depuis plus de 5 ans. A l’en croire, « Ce sont des affabulations et il est regrettable que ces sieurs tiennent ce même discours depuis plus de 5 ans ». Pour le Directeur de Cabinet, « Nakhla et son acolyte n'ont aucune crédibilité et ont été rejetés totalement par la population qui a plébiscité le maire Dr SerigneDiop et l'ensemble de ces projets contenus dans le Plan Sandiara Emergent », confie-t-il.
Joint au téléphone, le Maire Serigne Gueye Diop a brandit l’argument de la politique déguisée. « C’est purement politique. En réalité ils ne sont pas intéressés par le travail, mais tout ce qu’ils veulent c’est retarder les projets du maire. Il explique que « Ce sont les gens du d’un autre parti qui se sont toujours opposés à nous sur ces terres-là. Ils se sont opposés à tous les projets de la mairie. Que ce soit la zone industriel, le lycée technique, la zone hlm et autres. A l’époque, leur stratégie était « qu’il ne fasse rien ». Le Maire de poursuivre, « Ce sont les gens d’un autre parti qui se sont toujours opposés à nous sur ces terres-là. Ils se sont opposés à tous les projets de la mairie. Que ce soit la zone industriel, le lycée technique, la zone hlm et autres. A l’époque, leur stratégie était « qu’il ne fasse rien », constate le Ministre Conseiller du Président. Il rappelle que la délibération a été faite dès son arrivée à la tête de la commune. Par la suite, au moment de poser les bornes de la future cité HLM, « Ils sont allés sur place quand on faisait les bornages, tous armés et ont détruit les bornes. Ils ont agressé les gens de la mairie, ont détruit les bornes des hlm et ceux de la zone industrielle. On a eu 30 hectares de zone hlm et 50 hectares de zone industrielle. Nous avions porté plainte puisqu’ils ont voulu tué les gens et ils ont été coffrés pour une semaine », confie le Maire. Il explique également que ce sont ces mêmes personnes qui n’ont pas abandonné et ce sont des politiciens. A l’en croire, « Ils sont allés au niveau de la cour suprême avec des faux papiers. Ils ont déclaré qu’on les a désaffectés sans le leur notifier ». Dans la même lignée, Serigne Gueye Diop révèle, « Sauf que quand on a vérifié le titre d’affectation qu’ils avaient, c’était un faux titre. Il n’était pas dans le registre. Après nous avons porté plainte contre X. Ils sont entrés dans une procédure de lutte contre la mairie et les avons suivi sur ce terrain. Ils ont été interpelés par la cour suprême, par le procureur et on a vu que c’était du faux ». Ainsi, pour lui, « ce qu’il fallait, faire pour régler le problème, c’était de désaffecter une nouvelle fois et de la en notifier. C’est très simple. On a donné la notification à leur avocat ».
Continuant sur le même ton, le Maire de Sandiara précise, « Moi je leur ai dit, au lieu de continuer à nous combattre à gauche et à droite, laissez le côté politique de l’histoire, et la mairie vous donne 10 hectares sur les 30 qui faisaient l’objet de la délibération ». Mais à son grand étonnement, « Ils ont fait des parcelles qu’ils ont vendues par la suite. C’est où sont les camions à l’entrée de Sandiara. Il n’y en a pas un qui n’a pas de parcelle là-bas. Quand le prix des parcelles à Sandiara est passé de 300.000 à 3.000.000 ils ont tout vendu. Et maintenant, ils ne veulent pas quitter les 20 hectares où les hlm sont prévus ».
Dès lors, il pense que c’est un combat purement politique. « En réalité ils ne sont pas intéressés par le travail, mais tout ce qu’ils veulent c’est retarder les projets du maire », se désole-t-il.
Contentieux fonciers au Sénégal : 16 collectivités locales touchées, leurs populations unissent leurs forces
Les litiges fonciers qui opposent les collectivités territoriales du Sénégal et leurs populations respectives a pris une ampleur considérable dans le processus de développement de notre pays. Plusieurs collectivités locales sont impactées par ce phénomène. 16 d’entre eux ont décidé de se réunir autour du CRAFS (Cadre de Réflexion et d’Actions sur le Foncier au Sénégal) afin de mener un combat global contre la spoliation foncière dont sont victimes le Sénégalais. Dans ce cadre, il ils ont annoncé la création d’une Plateforme des impactés de la gestion foncière.
C’est dans ce sens, qu’ils se sont donné rendez-vous à Warang, au sud de Mbour, pendant trois jours pour renforcer la compréhension et documentation des cas de saisine judiciaire par des communautés, en lien avec des accaparements de terres. Les membres du collectif des 16 ont ainsi exprimé leur ferme volonté à réaliser un « guide sur les cas d’accaparement des terres au Sénégal et à mettre en place un système d’information et de communication sur la question ».
« Considérant la typologie des problèmes notamment l’agro-industrie, les mines, l’habitat, infrastructures publiques, entre autres, ainsi que la diversité des problèmes selon la zone, les statuts, les acteurs impliqués et le manque de concertation entre promoteurs et communautés locales, avec des décisions d’attribution des terres au niveau central, des rétentions d’informations par les collectivités territoriales, ils déplorent les menaces sur les exploitations familiales », ont-ils déploré dans une déclaration lu au sortir de leur atelier.
Dans cette déclaration, ils ont fustigé « le processus de déclassement des forêts, la non implication des communautés dans la gestion foncière, le manquement grave par rapport à l’application des textes notamment l’Acte 3 de la décentralisation, la loi sur le domaine national, etc… ».
Aidé en cela par Enda Pronat et OSIWA, « Nous interpelons l’Etat et ses démembrements sur une réforme foncière favorable aux communautés, l’application des différents codes domaniaux, la protection des lois légitimes des communautés. Nous interpellons également les collectivités territoriales à favoriser la participation citoyenne en élargissant les commissions, notamment domaniales, à des non élus », ont indiqué ces populations qui se disent impactées par des spoliations foncières.
Au cours de cet atelier, une journée de visite de terrain a été initiée et a permis aux participants de rencontrer des populations de Bandia, dans la commune de Diass, et de Sandiara. Ils ont enfin exigé de l’Etat une nouvelle réforme foncière dont la dernière au Sénégal remonterait à 1964.
IDY NIANG