Le procès du père de Doudou s’est finalement tenu hier au tribunal de grande instance de Mbour. Etaient appelés devant la barre Mamadou Lamine Faye et deux autres père dont les enfants étaient candidats à l’émigration irrégulière. Le délibéré sera rendu le 8 décembre prochain.
C’est hier qu’a eu lieu hier au TGI de Mbour le procès tant attendu de Mamadou Lamine Faye, père du jeune garçon de 16 mort dans le phénomène de l’émigration clandestine. Devant la barre étaient appelés Mamadou Lamine Faye et deux autres pères dont les enfants ont échappés aux démons de la mer. Il s’agit de Serigne Dieng et Keita Lô. Tous les trois risquent deux ans de prison pour complicité de trafic de migrants et mise en danger de la personne d’autrui. C’est en tout cas, la peine requise par le procureur qui estime qui n’ignoraient pas les dangers d’un tel périple, ont exposé leurs enfants à la mort. « Ils vont naturellement dire qu'ils sont assaillis par les difficultés de la vie. Mais avec 250.000 FCfa, ils peuvent débuter une activité très lucrative. Ils nous parlent de leurs peines et de leurs misères, mais ils sont responsables de tout ce qui est arrivé », a-t-il soutenu.
Poursuivis pour les délits de Complicité à l’émigration clandestine et de mise en danger de la vie d’autrui, les prévenus, tous des pêcheurs, ont contesté les faits. Pour le père de Doudou qui confirme avoir payé la somme de 250.000f au sieur Maodo Gueye, « Aujourd'hui si c'était à refaire je n'allais pas le faire. Je n'ai pas informé sa mère. J'avais voulu lui faire une surprise. J'attendais que Doudou arrive à destination avant d'informer sa mère d'autant plus que je suis le responsable de la famille. » À ces regret le sieur Faye ajoute : « depuis lors, si je vous dis que je suis normal je vous mens. Je l'ai inscrit à l'école coranique et française. Il avait beaucoup de talents au football. Il a évolué à l'Institut Diambars. Je voulais juste lui ouvrir les portes de la réussite. Je l'ai amené voir des marabouts pour qu'ils lui disent des prières. Je voulais que mon fils réussisse et du fait que la réussite est plus facile en Europe, j'ai décidé de l’y amener. Je souffre d'une maladie des nerfs sciatique. Si je savais que mon fils allait perdre la vie, je ne tenterais pas cette aventure. Avec tout ce que j'ai vécu, cette histoire reste un cauchemar », confie le père du garçon de 16 ans. Cherchant à noyer sa douleur dans les confidences, il poursuit : « mon esprit n'est plus avec moi, il est parti avec l'âme de mon fils. La pêche ne nourrit plus son homme et je ne voulais pas enlever à mon fils la chance de réussir dans le football. Je ne voulais pas le laisser finir comme moi. »
Pour les deux autres, leur situation était moins grave vu leur enfants étaient revenus sains et saufs de leur voyage. Dans ce sens, Srigne Dieng, père d’Alioune Dieng, âgé de 20 ans explique : « mon fils est un pêcheur, depuis 3 ans, il exerce ce métier qui ne nourrit plus son homme. Je n'étais pas au courant de son départ. Il est parti dans la pirogue de Modou Pouye, son cousin. Il n'a pas déboursé un centime dans ce voyage, car le convoyeur est un parent. » Quant au troisième prévenu, Keita Lô, père de Khalifa Lô : « Mon fils est bien revenu, il a 18 ans. Si l'occasion se représentait, c'est moi-même qui le dénoncerais. »
Malgré tous ces regrets, le Procureur laisse entendre : « aujourd'hui beaucoup de familles ont fait des funérailles parce que beaucoup de personnes qui leur sont proches ont perdu la vie. A cause de rareté du poisson que beaucoup de pères de famille ont perdu l'espoir en payant le billet pour leurs enfants dont finalement, beaucoup ont perdu ma vie. C'est une solution facile car les sommes versées sont importants. Il faut reconnaître coupables des fait qui leur sont reprochés et les condamnés à 2 ans d'emprisonnement ferme. Prendre son enfant dans le contexte actuel, payer le prix du transport, est un comportement négligent. »
Cependant, pour les avocats de la défense, tous les trois prévenus sont des victimes. Dans leur plaidoirie, ils ont essayé de démontré que leurs clients avaient plus besoins d’un accompagnement psychologique que d’être appelés à la barre. Dans cette lancée, Me Abdoulaye Tall indique : « ces pères de familles ne sont pas des délinquants. Ils sont victimes du système. Mamadou Lamine Faye est traumatisé depuis l'annonce du décès de son fils. Il mérite une assistance psychologique et non une peine de 2 ans. Voilà quelqu'un qui nourrissait un amour profond pour son fils. Il a fait tous les efforts pour son fils. Il a recueilli des prières et bénédictions pour son fils afin qu'il arrive sain et sauf. » Dès lors, même s’il estime chaque citoyen est interpellé dans la lutte contre ce phénomène, il estime que concernant le délit de complicité, personne n'a poussé l'autre à prendre ce risque et que leur acte n'était pas intentionnel. Du coup, il demande que les fins de la poursuite soient renvoyées car, argumente-t-il : « La mer n'est pas un milieu périlleux pour un pêcheur. Son milieu naturel c'est la mer. Le choc est traumatique. Est-ce que la prison est un milieu approprié pour faire le deuil de son enfant. On ne peut plus compter sur la mer pour vivre. Rendez une décision humanitaire ! » Même requête pour Me Assane Dioma Ndiaye qui considère qu’Il faut faire de Mamadou Lamine Faye un symbole du combat contre l'émigration. . « Un jeune promis à un avenir radieux. Il pensait qu'il pouvait promouvoir son fils. L’heure est grave parce que des milliers de jeunes partent en mer. Dans d'autres pays, on les aurait amenés dans des centres de psychothérapie et non devant les tribunaux. Les enfants d'aujourd'hui échappent à notre autorité. Nous en sommes tous victimes. Aucune peine de prison ne saurait remplacer la peine que ressentent ces parents. M. le Président, permettez à ces familles de passer leur deuil, de cicatriser leurs plaies! », a requis l’avocat qui a tenté de rejeter le délit de complicité puisqu’il ne considère les prévenus comme des complices mais plutôt comme des personnes qui ont adhéré à l’émigration en payant le billet.
« Est-ce que la politique est de réprimer les parents dont les fils, même majeurs, partaient à l'émigration clandestine ? Quelqu'un qui achète ce service c'est parce qu'il adhère. Donc celui qui adhère ne peut pas être considéré comme un complice. Le fait d'acheter un service ne veut pas dire être instigateur. Si ces gens n'avaient pas payé le transport c’est sûr que le voyage allait exister. Je ne crois pas que ces personnes puissent être poursuivies comme complices. Et la légalité ne vous permet de retenir le délit de complicité. Un chauffeur, qui fait une surcharge et qu'un accident s'ensuive, ne peut être poursuivi que pour homicide involontaire. La pirogue n'avait pas de problème technique, elle a eu un problème pour accoster », défend-il.
Enfin, pour aider leurs clients, les avocats de la défense ont introduit une demande de liberté provisoire qui a été rejetée par le tribunal.
Les trois pères seront fixés sur leur sort le 8 décembre prochain, date retenu pour le délibéré.